lundi, juin 13, 2005

Nuageux

Cachez ce Honduras qu’on ne veut pas voir

C’est plutôt rare, mon amie, que je m’arrête sur les malheurs de mes compatriotes qui voyagent à l’étranger. Surtout quand on sait, hélas! que, plus ou moins en connaissance de cause, certains d’entre eux ont le don de prendre des risques immenses et inutiles.

Mais voilà que ce malheur-ci a provoqué une résonnance tout à fait particulière dans mes racines maternelles les plus profondes. Tu sais, ce jeune homme tué à bout portant dans un autobus du Honduras, eh bien! comme moi, il était acadien de naissance. Évidemment, comme il n’arrive pas souvent que des Madelinots aillent finir leurs jours de façon aussi brutale et si loin de leur terre natale, cela n’a pu faire autrement que de toucher ma corde sensible … Tu comprends?

Ceci étant dit, mon amie, c’est en lisant le compte-rendu d’une coopérante volontaire au Honduras d'avril à juin 2005, que je me suis soudainement souvenue que, moi aussi, j’ai déjà visité ce pays à haut risque.

Donc, si ma mémoire est bonne, au printemps de 1997, je faisais partie du deuxième contingent de touristes québécois à mettre les pieds dans ce petit pays d’Amérique centrale. Comme le hasard fait toujours bien les choses, le consul hondurien voyageait avec nous à bord et venait, de toute évidence, de convaincre nos agences de voyages de la pertinence pour son pays d’émerger dans le club sélect du tourisme international.

Mais le Honduras, ce n’est pas seulement le splendide site maya de Copán et les magnifiques plages à perte de vue, sur la mer des Caraïbes. Oh! que non! Car, vois-tu, mon amie, on ne nous avait pas tout dit avant notre départ pour La Ceiba. Qu’il fallait, par exemple, marcher chaque soir dans l’obscurité la plus opaque en petits groupes serrés les uns contre les autres afin de se rendre au restaurant situé à proximité de notre hôtel.

Alors bien sûr, comme il fallait s’y attendre, ce qui devait arriver est arrivé. Voilà qu’un soir, malgré toutes les consignes de sécurité et les nombreuses précautions prises, une dame marchant à la fin du cortège fut attaquée au couteau et s’est fait voler son sac à main par un gang de jeunes. Secouée, elle a demandé a être transférée à Cancun avec toute sa famille pour y terminer ses vacances. Ce qu’elle a obtenu d'ailleurs, avec plusieurs autres touristes surpris par la frousse ...

De la misère, parlons-en, mon amie! À part les chiens errants les plus désséchés par la maigreur et la famine que je n’avais jamais vus auparavant, il y avait certes aussi cette insalubrité générale qu’on retrouve un peu partout en Amérique Centrale.

Enfin, comment veux-tu que j’aie oublié le visage émacié et poussiéreux de ces jeunes enfants qui transportaient des pierres quasiment aussi lourdes que leur poids afin de remplir les nombreux trous béants sur les routes, entre autres?

Mon amie, on a appris justement ce dernier week-end, que le Honduras fera partie des 18 pays pauvres de la planète dont la dette nationale sera annulée par le G8. À la bonne heure! Donc, gardons espoir!

Mais entre-temps, souvenons-nous que « Dans des conditions suspectes, 104 jeunes détenus ont perdu la vie, le 17 mai 2004, dans l’incendie de la prison de San Pedro Sula. Cette tragédie a mis en lumière la guerre que mène le Honduras contre les délinquants, surtout les plus jeunes et les plus pauvres. En marge de la répression légale, des centaines d’exécutions extrajudiciaires d’enfants et d’adolescents ensanglantent le pays : 2 125 jeunes, de 3 ans à 23 ans, ont été assassinés ces cinq dernières années. » (Le Monde diplomatique, octobre 2004)

Qu’a fait l’UNESCO? Et Amnistie internationale? Je l’ignore. Cependant, quand un pays a déclaré la guerre totale, non pas à ses ennemis, mais à ses propres enfants et ses adolescents au lieu de travailler à améliorer leur sort, pas étonnant que ces jeunes tirent à bout portant sur des touristes innocents.

Et à plus forte raison, bien sûr, sur nos Madelinots des Iles-de-la-Madeleine …! Quelle idée aussi d'aller faire de la plongée sous-marine ailleurs, quand on a les plus belles plages du monde sous les pieds ...?

À toi pour toujours,
May West

Pour mieux comprendre le Honduras, si cela t’intéresse:
Ce Honduras qu'on ne connaît pas
En toute impunité, le Honduras liquide ses parias