mardi, juillet 05, 2005

Brume sèche

Deux femmes, deux destins

Dans la vraie vie, mon amie, enfin derrière son côté obscur, il y a des victimes et des bourreaux. Des victimes, ou soit qu’elles se taisent dans un mutisme mortel, ou, si elles survivent, soit qu’elles décident de se faire entendre à travers la clameur. Nathalie Simard a été l’une d’elles. Pour son plus grand bien. Et le nôtre aussi.

Puis, il y a les bourreaux. D’abord, de ceux-là, nous du côté de la clameur préférons les ignorer et les oublier à tout jamais. On espère de tout notre cœur que le diable s’en chargera à notre place. Mais voilà, qu’il y a aussi des bourreaux qui décident d’émerger des ténèbres et de rencontrer leur destin. De reprendre leur vie en mains, si l’on veut. Ces bourreaux-là sont rares. Sans doute, parce qu’elle se sent traquée comme un bête, Karla Homolka est l’une de ceux-là.

Or , c’est d’une main de maître que Joyce Napier a mené hier soir l’entrevue exclusive avec l’ex-détenue, à Radio-Canada. En français, de surcroît. Remarque qu’ici, je ne trouve pas très sensé d’avoir choisi de paraître à la télévision. Selon moi, elle aurait dû choisir de s’expliquer à la radio ou dans les journaux. Désormais, il est assuré que n’importe qui, dans la rue, à l’épicerie, au cinéma ou ailleurs, va reconnaître ce visage. Et surtout ce regard à la paupière tombante … qui donnait froid dans le dos, il n'y a pas encore si longtemps.

Justement, mon amie, j'allais te dire que les médias de ce pays, anglophones surtout, sont complètement hystériques en pourchassant cette femme avec autant d’acharnement. D’ailleurs, en tant que femme, je me sens outrée, pour ne pas dire outragée. Combien de meurtriers, abuseurs, violeurs, pédophiles ou autres, qui sortent de prison eux aussi après avoir terminé leur peine, et qu’on laisse s’échapper dans la nature sans jamais les pourchasser de la sorte?

C’est vrai que cette femme est une criminelle et le sera pour le reste de ses jours. C’est vrai qu’elle a participé à des crimes odieux, dont je ne veux même pas me souvenir des détails. Mais qu’elle soit ange, démon ou monstre, est-ce que tout est rien que noir dans l’âme de cette criminelle? Une majorité de gens, surtout des Ontariens, en sont toujours convaincus.

Dans un blogue précédent, si tu te souviens bien, je t’avais fait part de ma vive appréhension au sujet de cette personne, puisqu’à ce moment-là, il me semblait que mon idée était plus claire. Mais depuis, surtout après cette entrevue, représente-t-elle encore un danger potentiel pour la société? Est-ce encore par méchanceté et égoïsme, qu’elle a cherché à nous manipuler afin de mieux pouvoir s’intégrer à notre société?

Là-dessus, je t’avoue que mon jugement demeure très ambivalent à cet égard. Aujourd'hui, je ne sais trop quoi penser. Je vacille de plus en plus entre le détachement et la compassion. Comme si, le fait de ne pas avoir vécu le drame aussi intensément que nos voisins, cela me permettait une objectivité qu'eux-mêmes ne peuvent avoir.

Mais, chose certaine, on devrait la laisser tranquille. Enfin, as-tu seulement pensé à quel point, il lui sera difficile de tenter de se refaire une vie? J’essaie simplement d’imaginer quel sera l’employeur qui l’embauchera. Devra-t-elle se terrer afin de rester en vie? Même au Québec, en terre moins hostile? Toutes ces questions et combien d'autres font en sorte que, je ne serais pas étonnée qu’elle regrette, à plus ou moins brève échéance, d’avoir été remise en liberté.

En terminant, sais-tu, mon amie, que les chiens ne se trompent jamais? Qu’ils réagissent à ce qu’ils sentent chez les humains? Qu'ils aboient et montrent les dents s’ils sont en présence d’une personne foncièrement … mauvaise? Au fait, a-t-on seulement eu l'idée de faire passer le test du chien à Karla Homolka? Comme ça, on serait vite fixé au moins sur la sincérité de ses remords.

À toi pour toujours,
May West

Ce que Karla a dit en entrevue

Karla Homolka fait encore peur aux Québécois