mardi, mai 02, 2006

Le mystère du « gaidar »

Le « gaidar », cela te dit-il encore quelque chose, mon amie? En tout cas, ici-bas, j’ignore si c’est à cause de l’instable douceur du printemps, du soleil pas toujours mur à mur ou des feuilles qui poussent à la va-vite comme j’te pousse, mais laisse-moi te dire que le radar gai ou « gaidar », comme on l’appelle, se fait aller les antennes par les temps qui courent.

Tu sais, ce machin-truc, ce zinzin et que sais-je encore, ce nez en l’air qui renifle l’odeur des femmes gaies, bien sûr, peu importe là où elles se trouvent, rien qu’à plonger quelques nanosecondes un regard évasif, voire même quelque peu énigmatique dans le leur, et hop, ça y est! On les a repérées! J’ai bien dit : re-pé-rées, pas séduites! Nuance!

Or, l’autre dimanche, ma brune grisonnante, toujours à l’affût des aubaines mirobolantes, m’a entraînée avec elle dans l’une de ces grandes liquidations de fermeture d'un magasin d’articles de sport. L’enfer, te dis-je! À titre d'exemple, les souliers de golf étaient tous pêle-mêle avec les autres chaussures de sport, et pire encore, les grandeurs étaient souvent mêlées entre elles. Quant aux boîtes de bâtons de golf complètement sens dessus dessous, ah ben là, un vrai cafouillis!

Alors, tout en cherchant pour elle désespérément la boîte de onze bâtons de golf Top Flite aux tiges en graphite, marquée des trois lettres suivantes: WLH (Women Left Handle), voilà que j’ai senti derrière mon dos la présence d’une, puis de deux femmes qui, elles aussi, se cherchaient des bâtons de golf!

Instinctivement, en levant la tête, j’ai posé mon regard, oh! juste l’espace d’un instant, droit dans les yeux de la plus frisée des deux. Ce geste aurait-il suffi à lui faire esquisser un mince sourire alors qu’en même temps, elle baissait les yeux? Bien que cette dernière conséquence n’était pas du tout recherchée dans mon intention, cela a certes eu pour effet de confirmer ce que j’avais déjà deviné.

C’est comme la veille au soir au spectacle de Clémence, à Ste-Thérèse-de Blainville. Quoique là, on s’y attendait tout de même un peu. Il y avait bien pas mal de messieurs-dames, mais surtout, ô combien aussi de mesdames-dames qui, évidemment, savaient toutes par cœur les paroles de ses chansons, surtout celles-là, entre autres, « C’est la chanson que je nous chante – Serons-nous deux vieilles amantes ...»

Par ailleurs, ce pif, (pas celui toutefois dont se servait un certain Jean Pelletier pour se gratter le nez), mais le nôtre, est donc très utile quand il s’agit de se repérer entre nous, parmi la foule d’êtres hétéroclites grouillant sur cette planète.

Tout ça pour te dire, qu’il n’y a pas que les humaines à posséder un « gaidar ». Mais figure-toi, mon amie, que même ma chatte en possède un! Si ce n’est pas ça, pourquoi alors ne vient-elle pas miauler autour de moi quand je parle au téléphone, avec ma mère ou la plupart de mes amies, bref, avec personne d’autre, sauf, lorsque je parle avec ma brune grisonnante?

Étrange, mais à chaque fois, c’est toujours le même scénario qui se répète. « Miaou par ci! Miaou par là! Dis-lui un petit bonjour de ma part! » vient-elle me supplier en se frottant le poil sur moi.

Et mon interlocutrice qui, à l'autre bout du fil, l’entend parfaitement de lui envoyer tout plein de bisous que je lui transmets aussitôt, évidemment, en les mimant avec de petits bruits secs du bout des lèvres. Dès lors, plutôt satisfaite, elle s’en retourne tranquillement terminer sa sieste qu’elle avait interrompue quelques instants auparavant.

Eh bien, mon amie, c’est tout ça, le « gaidar »! Un bien grand mystère, tu ne crois pas?

À toi pour toujours,
May West