lundi, mai 30, 2005

Faible pluie

De l'usure de l'indignation

Il faut toujours un peu se méfier de la chatte qui fait semblant de dormir, mon amie. Tu sais, avec elle, on ne sait jamais … Cela dit, je viens de lire, deux fois plutôt qu’une, sa chronique hebdomadaire, dans Le Devoir de ce dernier samedi.

Pour l’impardonnable rustre que je suis, je t’avertis tout de suite. Il y est beaucoup question de notre nouveau sport national: l’écoeurement total. Mais, attention! Ce ne sont pas tout à fait en ces termes, que Madame B-52 a choisi de nous parler de la pesante lassitude qui nous envahit tous, depuis déjà un bon moment.

Selon elle, de façon insidieuse, hélas ! on finirait toujours par se faire « avoir à l’usure » de l’indignation. Prenant comme exemple, la commission Gomery, elle cite des propos qu’on entend souvent. En effet, des remarques aussi blasées que « Ils sont tous corrompus », « on le savait déjà » (et j'en rajouterais: « chus pu capable, n'en jetez plus, la cour est pleine »), montrent bien à quel point, il est futile de poursuivre toute discussion sur le sujet, pour ne pas dire parfaitement inutile.

Enfin, peu importe qu’on hausse les épaules ou qu’on s’échange des sourires entendus sur tout ce qui touche à la politique, tout le monde sait d’avance, que ce ras le bol généralisé n’est guère présage des résultats des prochaines élections.

Mais alors?

Tout ça pour te dire, mon amie, qu’il existe, toutefois, un domaine particulier pour lequel, il est absolument impérieux de ne jamais baisser les bras, encore moins de fermer les yeux.

Certes, le drame de Nathalie Simard dévoilé au grand jour, la semaine dernière, a plus que frappé notre imagination. Mais aura-t-il aussi suffisamment secoué notre sensiblité, de sorte que le simple fait d’entendre quelqu’un chercher à banaliser la chose serait vite considéré comme suspect?

Évidemment, nous n’en sommes pas encore là, mon amie! Mais « il faut espérer de toutes nos forces que les révélations successives sur les abus sexuels contre des enfants n'entraînent pas cette usure de l'indignation.»

Avec le cœur las, peut-être, mais l’œil aux aguets, il n’y a pas de doute que Denise Bombardier ait tenté de nous convaincre, que cette usure de la sensibilité, si elle persistait, bien entendu, servirait encore longtemps de sauf-conduit à l'agresseur.

En terminant, mon amie, moi aussi, je souhaite ardemment voir ce problème des abus sexuels continuer de remuer notre conscience. Même s’il faut faire de l’indignation quotidienne, notre prochain sport national.

À toi pour toujours,
May West

Lassitude