mardi, mars 14, 2006

Les yeux de Lora

Les Yeux de Lora

Enfin le voilà, mon amie, le long poème que je n'arrête pas de terminer après plusieurs remises en question! Pas évident d'imiter le poète Louis Aragon ...! Ses yeux d'Elsa m'ont toujours beaucoup fascinée. Alors, tu peux comprendre à quel point, je suis contente d'avoir écrit à mon tour ... Les yeux de Lora. Dis-moi, au moins, que cela en valait la peine ...!

Les Yeux d'Elsa\Les Yeux de Lora

Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire
J'ai vu tous les soleils y venir se mirer
S'y jeter à mourir tous les désespérés
Tes yeux sont si profonds que j'y perds la mémoire

Tes yeux sont si pervers qu’en m’y baignant dedans
J’ai vu plein de lunes venir s’y abîmer
S’y perdre à jamais tous les paumés
Tes yeux sont si pervers que j’y perds le nord c’est évident

À l'ombre des oiseaux c'est l'océan troublé
Puis le beau temps soudain se lève et tes yeux changent
L'été taille la nue au tablier des anges
Le ciel n'est jamais bleu comme il l'est sur les blés

Au pied des mangeoires c’est la neige fondante
Puis ton beau sourire s’illumine et tes yeux scintillent
L’hiver court les rues en camisole de ville
La nuit n’est jamais noire elle est ma confidente

Les vents chassent en vain les chagrins de l'azur
Tes yeux plus clairs que lui lorsqu'une larme y luit
Tes yeux rendent jaloux le ciel d'après la pluie
Le verre n'est jamais si bleu qu'à sa brisure

Les zefs soufflent en vain les peines de l’amour
Tes yeux plus beaux que lui dès qu’un pleur y coule
Tes yeux rendent folle la vague d’avant la houle
Le vitrail n’est jamais si fragile qu’à ton humour

Mère des Sept douleurs ô lumière mouillée
Sept glaives ont percé le prisme des couleurs
Le jour est plus poignant qui point entre les pleurs
L'iris troué de noir plus bleu d'être endeuillé

Tantine des Mille bonheurs ô havre paisible
Mille et une fois sauvas-tu les tiens d’un péril certain
L’heure est plus soucieuse qui sourit entre tes mains
La pupille dilatée d’espoir de voir enfin l'inaccessible

Tes yeux dans le malheur ouvrent la double brèche
Par où se reproduit le miracle des Rois
Lorsque le coeur battant ils virent tous les trois
Le manteau de Marie accroché dans la crèche

Tes yeux dans la pénombre se ferment à l’écart
Par où se multiplient toutes les choses de la Vie
Alors que le sein en feu elle respire toute ravie
Sous la langue du Chat pendu dans ton placard

Une bouche suffit au mois de Mai des mots
Pour toutes les chansons et pour tous les hélas
Trop peu d'un firmament pour des millions d'astres
Il leur fallait tes yeux et leurs secrets gémeaux

Une lèvre suffit au mois de Mars des paroles
Pour tous les refrains et pour tous les soupirs
Juste assez d’espace pour se faire un empire
Il leur fallait tes yeux pour rêver de farandoles


L'enfant accaparé par les belles images
Écarquille les siens moins démesurément
Quand tu fais les grands yeux je ne sais si tu mens
On dirait que l'averse ouvre des fleurs sauvages

L’enfant émerveillé par les grands livres
Ouvre les siens tout aussi fixement
Quand tu me fais des clins d’oeil oh mais quel événement
On dirait que la pluie tombe parce qu’elle est ivre

Cachent-ils des éclairs dans cette lavande où
Des insectes défont leurs amours violentes
Je suis pris au filet des étoiles filantes
Comme un marin qui meurt en mer en plein mois d'août

Abritent-ils des lueurs dans cette mouvance où
Des bestioles se télégraphient d’un mur à l’autre
Je suis prisonnière de la toile qui est la nôtre
Comme une sirène qui attend en vain un rendez-vous

J'ai retiré ce radium de la pechblenche
Et j'ai brûlé mes doigts à ce feu défendu
Ô paradis cent fois retrouvé reperdu
Tes yeux sont mon Pérou ma Golconde mes Indes

J’ai dépossédé cet oeil de lynx de son zircon
Et j’ai rongé mes ongles jusqu’à peau crevassée
Ô refuge cent fois abandonné puis caressé
Tes yeux sont ma Joconde mon Odyssée mon Rubicon

Il advint qu'un beau soir l'univers se brisa
Sur des récifs que les naufrageurs enflammèrent
Moi je voyais briller au-dessus de la mer
Les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa

Il vint un jour où la cybersphère se déchira
Quand une lune d’eau émergea de l’ombre de Saturne
Moi je voyais s’iriser au fond de ce beau Nocturne
Les yeux de Lora les yeux de Lora les yeux de Lora

Louis Aragon/May West

1 Commentaire(s):

At 15 mars, 2006 20:38, Blogger Sunny Blue dit...

J'ai jamais lu quelque chose d'aussi touchant...
Bravo MW...
Je suis groupie!!!

SunnyXXX

 

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